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Quelle procédure pour faire valider un accord d’entreprise par référendum ?

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Très attendu, le décret d’application des lois Travail et Rebsamen - précisant les modalités d’approbation par les salariés de certains accords collectifs d’entreprise - vient de paraître. Au menu notamment, la signature d’un protocole spécifique entre l’employeur et les syndicats signataires minoritaires.

1. Pour être valides, les accords sur la durée du travail, les repos et les congés conclus à compter du 1er janvier 2017 doivent être majoritaires, c’est-à-dire avoir été signés par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs au premier tour des dernières élections professionnelles. Ce sont les mêmes conditions de validité qui s’appliquent aux accords de préservation et de développement de l’emploi conclus depuis le 10 août 2016.

 

2. La loi Travail a prévu une procédure de « rattrapage » par référendum pour les accords d’entreprise signés par des syndicats minoritaires ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs au premier tour des dernières élections professionnelles. L’accord est en effet valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés (C. trav. art. L 2232-12). Un décret a fixé les modalités de cette approbation.

 

3. Ce décret fixe aussi les modalités de la consultation des salariés sur les accords signés, dans les entreprises sans délégué syndical (DS), par des représentants du personnel élus mandatés (C. trav. art. L 2232-21-1) ou par des salariés mandatés par un ou plusieurs syndicats (C. trav. art. L 2232-27). Le texte permet ainsi aux entreprises sans DS de recourir au dispositif de négociation dérogatoire issu de la loi Rebsamen et introduit un dispositif de validation des accords conclus entre le 19 août 2015, date de son entrée en vigueur, et le 21 décembre 2016 (voir n° 19).

Accord signé par des syndicats minoritaires représentant plus de 30 % des suffrages

 

Déclenchement de la consultation

4. Un ou plusieurs des syndicats signataires ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés disposent d’un délai d’un mois, à compter de la signature de l’accord, pour indiquer s’ils souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord (C. trav. art. L 2232-12). Cette demande doit être notifiée par écrit à l’employeur ainsi qu’aux autres syndicats représentatifs (Décret art. 1, 2° ; C. trav. art. D 2232-6, I modifié).

A noter : On rappelle que faute d'approbation, l'accord est réputé non écrit (C. trav. art. L 2232-12).

 

5. A compter de cette demande, l’ensemble des syndicats représentatifs disposent d’un délai de 8 jours pour maintenir ou faire évoluer leur position avant la consultation.

A noter : Les syndicats représentatifs ont ainsi une dernière chance de se prononcer majoritairement en faveur du projet d’accord. A l’inverse, les syndicats minoritaires ayant signé l’accord peuvent encore revenir sur leur décision d’engager une consultation des salariés. Si cette renonciation a pour effet de passer en dessous de la barre des 30 %, l'accord tombe et le processus de consultation prend fin (en ce sens : C. trav. art. L 2232-12, al. 3).

 

6. Si, à l’issue de ce délai, l’accord reste minoritaire et si la condition des 30 % est toujours remplie, la consultation est organisée dans un délai de 2 mois selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et les syndicats signataires (C. trav. art. L 2232-12). Il résulte du décret que le protocole doit être signé par un ou plusieurs syndicats signataires recueillant plus de 30 % de suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs au premier tour des dernières élections professionnelles (comité d'entreprise ou délégation unique du personnel ou, à défaut, délégués du personnel), quel que soit le nombre de votants (Décret art. 1, 2° ; C. trav. art. D 2232-6, II modifié).

A noter : Pour être valide, le protocole ne doit pas nécessairement être signé par tous les syndicats signataires de l’accord soumis au référendum. Il suffit que les syndicats signataires représentent plus de 30 % des suffrages.

 

7. Les modalités d’organisation de la consultation, fixées par le protocole, doivent porter sur (Décret art. 1, 1° ; C. trav. art. D 2232-3 modifié) :

- les modalités de transmission aux salariés du texte de l’accord ;

- le lieu, la date et l’heure du scrutin ;

- l’organisation et le déroulement du vote ;

- le texte de la question soumise au vote des salariés.

 

Le protocole doit également déterminer la liste des salariés couverts par l'accord et devant à ce titre être consultés, étant précisé que seuls peuvent voter les salariés remplissant les conditions d'électorat pour les élections des délégués du personnel (DP) (Décret art. 1, 1° ; C. trav. art. D 2232-2, 1° modifié).

A noter : Aucune sanction n'est prévue par le décret en cas de dépassement du délai de consultation, qu'il s'agisse du délai maximal prévu par la loi (2 mois) ou de la date fixée par le protocole. A notre avis, si le protocole fixe une date de consultation ayant pour effet de dépasser le délai légal de 2 mois, tout syndicat représentatif peut former un recours judiciaire dans les conditions visées n° 9 afin d'obtenir du juge qu'il fixe une date de consultation plus rapprochée, au besoin sous astreinte. Dans le cas où le délai légal ou conventionnel serait dépassé du fait d'une carence de l'employeur, la nullité de l'accord pourrait, selon nous, être encourue.

 

8. Le protocole est ensuite porté à la connaissance des salariés par tout moyen au plus tard 15 jours avant la consultation (Décret art. 1, 2° ; C. trav. art. D 2232-6, III modifié).

 

9. En cas de désaccord sur les modalités fixées par le protocole, le tribunal d’instance peut être saisi dans un délai de 8 jours suivant l’information des salariés visée n° 8, par les syndicats représentatifs dans l’entreprise ou l’établissement (Décret art. 1, 2° ; C. trav. art. D 2232-7 modifié). Le tribunal statue en la forme des référés et en dernier ressort.

A noter : La procédure est donc ouverte à tout syndicat représentatif, signataire ou non de l’accord minoritaire.

 

Modalités de la consultation

10. La loi prévoit que la consultation des salariés se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral (C. trav. art. L 2232-12).

 

11. L’organisation matérielle en incombe à l’employeur. La consultation a lieu soit pendant le temps de travail, au scrutin secret sous enveloppe soit par voie électronique dans les conditions prévues aux articles R 2324-5 à R 2324-17 du Code du travail, c'est-à-dire dans les conditions prévues pour le recours au vote électronique pour les élections au comité d'entreprise (C. trav. art. L 2232-12 ; Décret art. 1, 1° ; C. trav. art. D 2232-2, 1° modifié).

 

12. Le résultat du vote fait l’objet d’un procès-verbal dont la publicité est assurée dans l’entreprise par tout moyen. Ce procès-verbal est annexé à l’accord approuvé lors du dépôt de ce dernier (Décret art. 1, 1° ; C. trav. art. D 2232-2, 2° modifié).

Accord signé par des élus ou des salariés mandatés

 

Préparation de la consultation

13. La consultation est organisée dans un délai de 2 mois à compter de la conclusion de l’accord. Mais au préalable, l’employeur doit consulter le ou les représentants élus mandatés ou le ou les salariés mandatés sur ses modalités. Il informe ensuite les salariés de ces modalités par tout moyen au plus tard 15 jours avant la consultation (Décret art. 1, 3° ; C. trav. art. D 2232-8 modifié).

A noter : Ainsi, contrairement au référendum visant à valider un accord conclu par des syndicats minoritaires (voir n° 6), l’employeur décide seul des modalités de la consultation.

Signalons que là encore, aucune sanction n'est prévue par le décret en cas de dépassement des délais. A notre avis, si l'employeur informe les salariés qu'il a l'intention d'organiser une consultation après l'expiration du délai maximal de 2 mois ou de reporter la date de consultation qu'il avait initialement fixée, le ou les représentants élus du personnel mandatés ou le ou les salariés mandatés pourraient saisir le tribunal dans les conditions visées n° 15 pour obtenir du juge une date de consultation plus rapprochée, au besoin sous astreinte. En revanche, si le délai de 2 mois ou le délai fixé par l'employeur est dépassé du fait de sa carence, la nullité de l'accord pourrait, selon nous, être encourue.

 

14. Les modalités d’organisation de la consultation retenues par l’employeur doivent porter sur les éléments visés n° 7.

A noter : Ces modalités reprennent, quasiment mot pour mot, les modalités de consultation prévues pour les accords conclus avec un ou des salariés mandatés sous l’empire de la loi du 20 août 2008

 

15. En cas de désaccord sur les modalités d’organisation de la consultation retenues par l’employeur, le tribunal d’instance peut être saisi dans un délai de 8 jours suivant l’information des salariés visée n°14, par le ou les représentants élus du personnel mandatés ou le ou les salariés mandatés. Le tribunal statue en la forme des référés et en dernier ressort (Décret art. 1, 3° ; C. trav. art. D 2232-9 modifié).

A noter : Là encore, la procédure de recours contentieux est similaire à celle qui était prévue pour les accords conclus avec un ou des salariés mandatés sous l’empire de la loi du 20 août 2008.

 

Modalités de la consultation

16. La consultation des salariés est organisée dans les mêmes conditions que celle visant à valider l’accord signé par des syndicats minoritaires (voir n°11). Il en est de même pour le résultat du vote (voir n°12). Le décret ajoute néanmoins une condition pour les accords signés avec des élus ou des salariés mandatés : le procès-verbal du vote doit également être adressé à l’organisation mandante (Décret art. 1, 1° ; C. trav. art. D 2232-2 modifié).

A noter : Le décret reprend pour l’essentiel les conditions prévues pour les accords conclus avec un ou des salariés mandatés sous l’empire de la loi du 20 août 2008. La seule différence résidant dans l'introduction du vote électronique.

Entrée en vigueur

 

17. Les entreprises ont donc désormais toutes les cartes en main pour conclure, à partir du 1er janvier 2017, de nouveaux accords « loi Travail » sur la durée du travail, les repos et les congés (Décret art. 2, I, 1°).

A noter : Rappelons que les nouvelles conditions de validité issues de la loi Travail s'appliqueront aux autres accords collectifs à compter du 1er septembre 2019, à l'exception des accords de maintien de l'emploi (Loi Travail, art. 21, IX-A).

 

18. Pour celles qui auraient déjà conclu un accord de développement et de préservation de l’emploi minoritaire, elles ont toujours la possibilité de le faire valider par référendum. Dans ce cas, le délai d’un mois visé n° 4 permettant aux syndicats signataires d’indiquer s’ils souhaitent ou non recourir au référendum court à compter du 22 décembre 2016 (Décret art. 2, I, 2°).

 

19. Enfin, lorsque la consultation porte sur un accord signé avant le 22 décembre 2016 par des élus ou des salariés mandatés, le délai de 2 mois pour organiser la consultation (voir n° 13) court à compter du 1er janvier 2017 (Décret art. 2, II).

 

A notre avis : Cette disposition vise les accords signés après le 18 août 2015, date de publication de la loi Rebsamen. Ainsi, elle ne devrait pas remettre en cause la validité des accords conclus dans le cadre juridique issu de la loi du 20 août 2008.

 

Décret 2016-1797 du 20-12-2016 : JO 22 

 

Elodie EXPERT © Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne