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Madagascar : qui sont les capitaines d’industrie de l’île ?

Salim Ismail, PDG du groupe Socota

 

De ses années de parachutiste, pendant son service militaire, Salim Ismail a conservé le goût du risque et de la discipline. Simple, réservé et discret, cet ingénieur en informatique et textile, formé à Mulhouse (est de la France) dans les années 1960, fait partie de ces chefs d’entreprise qui ont forgé leur réussite à la force du poignet et imposent le respect. S’il a la nationalité française, et non malgache – faute de l’avoir demandée –, Salim Ismail est né dans la Grande Île, où sa famille est installée depuis le XIXe siècle, et a développé la plupart des activités du groupe Socota à Madagascar et dans l’océan Indien. Considéré comme « l’entrepreneur modèle », il est aujourd’hui à la tête d’une multinationale en grande forme (environ 350 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel).

 

En 1989, il reprend en main l’entreprise familiale pour la transformer en un géant de l’industrie textile, avec une branche de fabrication de tissus et de vêtements à Antsirabe (à 160 km au sud de Tana) et à Phœnix (sur l’île Maurice), ainsi qu’un studio de création à Paris (Socota Designs). Parallèlement, en 2002, Salim Ismail crée une ferme aquacole d’élevage de crevettes à Diégo-Suarez (littoral nord de l’île) sur un vaste domaine familial et, sept ans plus tard, reprend Maison Reynaud (groupe Atlantys), leader sur le marché français de la distribution de produits de la mer.

 

La même année, il se lance dans l’immobilier et ferme son usine textile de Phœnix pour construire à la place un immense parc d’affaires ultramoderne : le BioPark Mauritius (Socota Phœnicia), qui accueille des entreprises et des laboratoires de recherche et développement spécialisés dans les biotechnologies. À 77 ans, ce capitaine d’industrie tient le cap et compte désormais développer les activités agricoles du groupe : un projet de production et d’exportation de fruits et légumes (avec un objectif de production de 10 000 tonnes par an), qui devrait être opérationnel d’ici à 2020.

Hassanein Hiridjee, directeur général d’Axian

 

Physique sec, regard vif, Hassanein Hiridjee est un boulimique de travail. Toujours « speed » et entre deux rendez-vous, ce Franco-Malgache donne l’impression de courir en permanence, surtout lorsqu’il monte à grandes enjambées l’escalier central du siège de son groupe, situé dans la zone d’activités ultramoderne Galaxy, à Tana. Rien d’étonnant lorsqu’on sait qu’il a déjà participé au Marathon de New York et qu’il s’entraîne pour courir celui de Paris l’an prochain.

 

Malgré un agenda serré, à travers la Fondation H (qu’il préside), le « marathonien » trouve le temps de soutenir les artistes de la Grande Île et l’association PariTana, créée par le galeriste parisien Éric Dereumaux (Galerie RX), qui remettra pour la première fois son prix d’art contemporain en marge du sommet de la Francophonie, le 25 novembre, à l’un des dix artistes malgaches présélectionnés.

 

Après des études de commerce (ESCP Europe) et plusieurs postes dans le secteur financier en France, Hassanein Hiridjee est rentré à Madagascar en 1997, où il a créé sa propre société de promotion immobilière, First Immo, avant d’intégrer le groupe familial, qu’il dirige et détient conjointement avec ses oncles, Raza-Aly et Bashir, et son frère Amin. En décembre 2015, ils ont décidé de le rebaptiser Axian.

 

Une étape importante pour la famille et pour les différentes entreprises du groupe, lequel, dopé par la diversification de ses activités et son développement dans l’océan Indien, emploie 4 000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros.

 

« Mon père m’a transmis très tôt le goût du travail bien fait. Chez les Hiridjee, on est attaché à la qualité, et nous nous voulons exemplaires en matière de gouvernance », précise Hassanein Hiridjee, lui-même père de trois garçons, avant de se poser (pour quelques minutes seulement) dans un sofa installé sous une photo de Gandhi.

 

Axian est actif dans l’immobilier (First Immo), la distribution pétrolière (Jovenna), la production d’électricité (Électricité de Madagascar), la banque (BNI, rachetée en 2014) et les télécoms, secteur qu’il a développé en 2015 en s’associant au tycoon français Xavier Niel, à La Réunion, à Mayotte et aux Comores (Telma et Towerco à Madagascar, TRM à La Réunion et à Mayotte, Telco aux Comores).

 

Les activités dans la distribution (Ocean Trade, Continental Auto) et dans l’agroalimentaire (HavaMad) sont désormais réunies au sein d’un nouveau groupe indépendant, Viseo, dirigé par Moustafa Hiridjee, cousin de Hassanein.

Naina Andriantsitohaina, président du groupe Andriantsitohaina

 

Descendant de l’une des plus anciennes et grandes familles de l’île Rouge (l’un de ses ancêtres était conseiller royal), Naina Andriantsitohaina a hérité de ses aïeux une allure aristocratique.

 

Difficile d’imaginer que ce quinqua aux petites lunettes rondes est féru de motos de collection. Dans la cour du siège de son groupe trône sa dernière acquisition, une magnifique Indian Scout. « Avec des copains, j’ai pratiquement fait le tour de Madagascar sur ces grosses routières », précise-t-il.

 

Aventurier, il faut bien l’être un peu pour avoir à ce point transformé, en moins de quinze ans, l’empire familial dont il a hérité en 2002, à la mort de son père, Jean-Charles. Le groupe Andriantsitohaina affiche une insolente santé, un chiffre d’affaires d’environ 15 millions d’euros, et compte plus de 400 employés. Il est présent dans l’imprimerie (Nouvelle Imprimerie des arts graphiques, Niag), les produits chimiques (Prochimad), la banque (Banque malgache de l’océan Indien, BMOI, filiale du groupe BPCE) et la presse (groupe Ultima Media), notamment propriétaire du quotidien Les Nouvelles, du site NewsMada et de la radio Alliance 92.

 

Ancien président du Syndicat des industries et du Groupement des entreprises de Madagascar (GEM), Naina Andriantsitohaina, qui fut brièvement conseiller du Premier ministre Jacques Sylla, entre 2002 et 2004, a en revanche décidé d’éviter de s’engager trop ouvertement en politique. « En 2009, on a mis le feu à mon imprimerie. Depuis, je garde mes distances », souligne l’ancien patron des patrons, qui dit préférer les week-ends en famille, les parties de chasse à la campagne et « le contact avec les vraies gens, plutôt que les amitiés assassines ».

Marcel Ramanandraibe, PDG du groupe Ramanandraibe

 

Avec sa pudeur toute protestante, Marcel Ramanandraibe a la réussite modeste et quelques principes de base : « Travailler, épargner et investir, dans la discrétion », précise-t-il.

 

Fondé en 1927 à Tamatave, le groupe familial se spécialise très vite dans la culture et l’exportation des produits de rente, notamment le café, l’essence de girofle et, bien sûr, la vanille. À l’indépendance, en 1960, Marcel Ramanandraibe n’a que 14 ans, mais son père, Joseph, compte déjà sur lui pour reprendre l’affaire.

 

« Le fils modèle » fait tout son cursus scolaire au prestigieux lycée Gallieni, à Antananarivo, avant de s’envoler pour Paris. C’est en 1971 qu’il revient à Madagascar, diplômé de HEC – sur les bancs de la grande école, il a croisé les frères Proglio et Dominique Strauss-Kahn. Quatre ans plus tard, avec l’arrivée au pouvoir du socialiste Didier Ratsiraka, le groupe est démantelé, et ses entreprises deviennent des sociétés d’État.

 

Puis, avec la réouverture du régime à l’économie de marché, les Ramanandraibe rachètent la Chocolaterie Robert et diversifient leurs activités dans le textile (Société malgache de couverture, Somacou) et l’imprimerie (SME).

 

« Nous avons su traverser les régimes successifs », explique Marcel Ramanandraibe pour résumer la réussite familiale et expliquer quelques revirements politiques. Le groupe emploie aujourd’hui 1 600 personnes au sein d’une douzaine de sociétés, principalement dans l’agroalimentaire. En 2015, il a racheté plus de 700 ha de plantations de cacao dans le nord de Madagascar avec le groupe Taloumis et fondé une nouvelle société, Mava, qui lui permet de couvrir toute la chaîne du cacao en tant que planteur-chocolatier.

 

Son entreprise phare, la Chocolaterie Robert, « qui vend un cacao 100 % bio et de la meilleure qualité au monde », rappelle Marcel Ramanandraibe, réalise à elle seule un chiffre d’affaires annuel de 12 milliards d’ariary (plus de 3,36 millions d’euros).

 

Outre ses six boutiques La Chocolatière sur la Grande Île, la société a ouvert en octobre 2015 un concept store dans le 12e arrondissement de Paris en partenariat avec le maître chocolatier Christophe Berthelot-Sampic, l’Atelier C, sous les arcades du très design viaduc des Arts (avenue Daumesnil). Fin juin, la Chocolaterie Robert a reçu, à Bruxelles, le prix de la Francophonie économique, décerné sur la base de critères de qualité et d’innovation.

Jean-Claude Ratsimivony, 60 ans, PDG-fondateur d’Homeopharma

 

Yoga, tisanes « maison »… Le patron des laboratoires Homeopharma s’impose une hygiène de vie exemplaire. Avec son crâne rasé et son air zen, Jean-Claude Ratsimivony a d’ailleurs des airs de moine bouddhiste. Né dans une grande famille de spécialistes en médecine traditionnelle et en astrologie, il est initié dès l’âge de 12 ans aux pratiques de la médecine naturelle, du transfert énergétique et du magnétisme.

 

Cinq ans plus tard, conscient de l’immense patrimoine naturel de son île Rouge, il entame un voyage initiatique à travers le pays, à la rencontre des grands sages et maîtres « tradipraticiens ». Il étudie ensuite la psychologie en France (à l’université d’Aix-Marseille), puis la naturopathie aux États-Unis et en Suisse, et voyage régulièrement en Inde et en Chine.

 

En 1992, deux ans après son retour à Madagascar, avec son épouse, docteur en pharmacie, il fonde Homeopharma : un établissement pharmaceutique agréé par le ministère de la Santé, qui emploie aujourd’hui 500 personnes et réalise un chiffre d’affaires de quelque 10 millions d’euros. « Nos produits sont 100 % biologiques et très efficaces, mais ce ne sont pas des remèdes miracles pour autant », tient à souligner Jean-Claude Ratsimivony.

 

Comprenez : ici, pas de traitement prétendument anticancéreux, ni médicament douteux, mais des produits d’hygiène corporelle et nutritionnelle, de beauté et de bien-être dont la qualité est reconnue. Flacons d’extraits de plantes, tisanes, crèmes de massage, huiles essentielles, complexes antimoustiques ou antiacné, baumes ou bains aromatiques…

 

Les produits du laboratoire sont aujourd’hui vendus dans 50 instituts Homeopharma, 170 pharmacies et 10 grandes surfaces à travers la Grande Île et distribués dans l’océan Indien, en Afrique de l’Ouest, en Europe et, depuis peu, au Japon. « Pour un prix relativement modique, précise Jean-Claude Ratsimivony. Car, chez nous, un homme riche, c’est un homme qui a la santé ! »

 

Source: jeuneafrique.com