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Négociation : pourquoi faire appel à un médiateur ?

Encore peu répandu en France, le recours à un « deal mediator » peut néanmoins s’avérer utile pour la réussite d’accord commerciaux à forte valeur ajoutée.

 

À titre de discipline, la négociation s’est développée considérablement à la suite de la publication, au début des années 1980, des ouvrages « The Art and Science of Negotiation » , « Getting to Yes »  et de la création du Program On Negotiation (PON) de l’Université Harvard. Trente-cinq ans plus tard, elle ne s’est pourtant pas hissée au niveau espéré dans le domaine commercial. La pratique du « deal mediation », qui capitalise sur l’expertise des médiateurs pour aider les parties à atteindre le meilleur accord possible en amont d’une relation d’affaire, s’affirme toutefois comme une méthode d’avenir.

 

Les négociations se déroulent en effet traditionnellement entre parties, sans l’intervention d’un tiers neutre. Plusieurs difficultés peuvent alors entraver considérablement leur réussite. Les parties s’assoient souvent à la table des négociations avec leur vision personnelle des faits, et chacune considère que son point de vue est factuel et constitue la seule vérité. Dès lors, la partie adverse a forcément tort. Par ailleurs, comme chaque partie veut garder un avantage sur l’autre, elle est souvent réticente à partager des informations, que ce soit au niveau de ses intérêts véritables ou des options alternatives à disposition. En outre, elles sont susceptibles de tomber dans de nombreux pièges et écueils qui pourraient déboucher sur un accord sous-optimal. Or, même dans le cas où un accord est conclu, ces embûches amènent souvent à diviser la valeur plutôt qu’à en créer.

  • Faire intervenir un tiers neutre

De nombreux problèmes pourraient être évités si un médiateur était présent dès le début de la discussion d’un accord commercial. Le « deal mediation » est une négociation facilitée, avec le concours d’un tiers neutre, dans le domaine des transactions commerciales pour lesquelles aucun différend n’a émergé.

Le « deal mediator » peut intervenir à deux niveaux pour bonifier le processus de négociation entre les parties. Premièrement, il s’assurera, dans la mesure du possible et en respectant le principe de l’autodétermination des parties, que celles-ci parviennent à une entente. Deuxièmement, il travaillera à ce que l’accord, quel qu’il soit, porte en lui la valeur la plus élevée possible pour chaque partie ; c’est-à-dire que chacune reçoive le maximum de bénéfices possibles.

 

Il existe quatre avantages principaux à faire appel à un « deal mediator » pour la signature d’accords commerciaux.

 

1. Accroître les chances d’arriver à une entente

 

Les discussions sont de plus en plus internationales, avec des parties de cultures et de milieux variés, d’où des styles différents de négociation. Entre outre, plusieurs obstacles au niveau de la communication, les barrières cognitives à l’entente, les aspects émotionnels et relationnels, les standards divergents d’éthique et le manque de formation en négociation entraînent un risque de malentendus susceptibles d’entraver la signature d’un accord. Par ses compétences en communication et en règlement des conflits, le « deal mediator » est à même de déjouer de tels malentendus en clarifiant les significations sous-jacentes des éléments exprimés par les parties.

 

2. Créer de la valeur ajoutée

 

Un médiateur sait identifier les intérêts de chaque partie et les aider à imaginer des solutions pour les satisfaire. Trop souvent, les parties entrent dans la négociation avec des positions arrêtées. Ces dernières sont exprimées de telle manière qu’il y a peu de place pour des remaniements ; les parties ont tendance à s’en tenir fermement à leurs positions. La tâche du « deal mediator » est d’éviter une négociation positionnelle en insistant sur les intérêts ou les besoins sous-jacents associés à chaque position. Il peut aller jusqu’à soulever les questions délicates et critiques pourtant essentielles, mais qui n’auraient pas été abordées par les parties elles-mêmes, de peur de mettre en péril un accord potentiel.

En outre, le « deal mediator » peut aider les parties à concevoir des solutions pour créer de la valeur ajoutée. Ces dernières peuvent inclure l’ajout de thèmes de négociation pour permettre un plus grand éventail de concessions, notamment sur des intérêts secondaires, la création de contingences (basées sur le prix du marché ou les bénéfices annuels ou futurs, par exemple), la révision des priorités ainsi que l’assistance aux parties pour mener un processus de brainstorming. La présence du médiateur permet également aux parties d’éviter de tomber dans le piège d’une dynamique compétitive de la négociation. Celle-ci intervient lorsqu’elles cherchent à maximiser leur valeur individuelle et aboutit à un résultat qui reflète le rapport de force entre les parties.

 

3. Aboutir à un accord équilibré et durable

 

Un autre avantage de faire appel à un « deal mediator » réside dans sa compréhension exhaustive de l’accord. Elle lui permet d’aider les parties à réfléchir et à anticiper tous les éléments de potentiels différends. Le médiateur peut également avoir une expertise spécifique dans un secteur et aider les parties à anticiper les éventuels points litigieux. De plus, il peut permettre aux parties de personnaliser les processus de règlement des différends qu’elles utiliseront pour résoudre les points litigieux pré-identifiés par les parties en fonction de leurs besoins et de leur situation spécifique. Cela peut inclure notamment l’établissement de canaux de communication clairement définis ou de la nomination d’un tiers permanent au contrat (qui est souvent le « deal mediator » lui-même) qui aidera les parties, en raison de sa connaissance approfondie de la transaction, à résoudre leurs différends en temps réel.

 

4. Aider les parties à évaluer les risques

 

Le « deal mediator » peut également aider les parties à évaluer correctement les risques. Au cours de la négociation d’un accord commercial, les conseillers juridiques tentent souvent de maximiser avec zèle la valeur pour leur client. Ils transfèrent le plus grand nombre de risques possible à la partie adverse, tout en ignorant les impacts que cela peut avoir sur la durabilité de l’accord. Or, une méthode irréaliste de répartition des risques peut accroître les coûts, semer les graines de la discorde, engendrer une grande méfiance voire une animosité entre les parties et conduire ainsi à des conséquences plus néfastes que celles imaginées au départ. Le médiateur peut aider les parties à assigner chaque risque potentiel de la relation commerciale à la partie qui est la mieux équipée pour gérer, contrôler et s’assurer contre ce risque spécifique. Une telle répartition réaliste des risques promeut l’efficience, réduit les coûts et crée de meilleures relations, résultant ainsi en une réduction des conflits et une plus grande chance de succès de chacune des entreprises.

 

L’objectif central du « deal mediator » n’est donc pas simplement d’aider les parties à parvenir à un accord, mais plutôt de les assister à parvenir au meilleur accord possible pour toutes les parties, en s’assurant que leurs intérêts profonds soient comblés. Il diffère en cela des conseillers juridiques, qui visent à maximiser la valeur individuelle pour leur client. En outre, il faut le considérer comme une police d’assurance, car la seule et meilleure manière de résoudre un conflit est de le prévenir. Les coûts associés à la résolution de conflit sont bien plus élevés que le coût d’un « deal mediator » engagé dès les premières étapes de la négociation d’un accord commercial.

 


Les qualités du « deal mediator »

1. Il fait preuve d’impartialité

Il est exempt de tout favoritisme, biais, ou préjugé à l’égard de l’une ou l’autre des parties, tant dans ses propos, ses attitudes que dans ses actes.

 

2. Il est indépendant

Le tiers neutre n’a aucun lien avec l’une ou l’autre des parties, et n’a pas d’intérêt direct dans l’issue. Autrement dit, ses intérêts personnels ne sont d’aucune manière liés au résultat de la médiation. Il est rémunéré pour les heures effectuées quelle que soit l’issue. Il n’est donc pas payé en surplus si les parties aboutissent à une solution ou un accord signé. Ainsi, il ne contraindra pas les parties à conclure un accord simplement pour accroître sa contrepartie financière.

 

3. Il révèle les intérêts des parties

Il aide les parties à identifier leurs besoins et intérêts plutôt qu’à rester campées sur leurs positions. En posant des questions telles que « pourquoi ? », « comment ? » , « que voulez-vous ? », « pourquoi le voulez-vous ? », « comment peut-on répondre à ce besoin ? », il arrive à distinguer les revendications des parties de leurs véritables besoins afin d’ouvrir une zone d’entente plus large.

 

4. Il ne donne pas son opinion

Sa tâche première est de faciliter la conclusion d’un accord ; il n’est pas là pour donner son opinion. Pour obtenir conseil, chaque partie peut se faire assister par les personnes de son choix, que ce soit un expert, un intermédiaire, un conseiller juridique, ou tout autre personne qu’elle juge utile. Le médiateur s’assure que chaque partie a toutes les informations nécessaires pour faire des choix éclairés.

 

5. Il ne décide pas

 

Son rôle est d’assister les parties à finaliser une transaction et à repartir avec un accord. Il n’use pas de pressions pour contraindre une des parties à signer un accord contre son gré ; la décision de le conclure revient exclusivement aux parties. Toutefois, cela ne l’empêche pas de suggérer des solutions que les parties ont peut-être négligées, sans imposer leur acceptation.

 

Source: Harvard Business Review