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L’externalisation des prestations juridiques

On savait déjà que la crise avait fortement impacté les cabinets d’avocats et les entreprises et que ceux-ci avaient cherché à réduire autant que possible leurs coûts. Parmi les solutions mises en œuvre, certains ont pensé à l’externalisation d’une partie des fonctions juridiques, entrainant une évolution de leur business model et de leur organisation.

Ce phénomène appelé Legal Process Outsourcing (LPO) a pris de l’ampleur à cause de la pression de plus en plus forte faite sur les coûts et budgets alloués aux directions juridiques

Déjà une réalité en France

Si les cabinets d’avocats et les entreprises américaines et anglaises sont les plus avancées en matière d’externalisation, en France, l’externalisation de prestations juridiques est déjà mise en œuvre par quelques grandes directions juridiques pour des prestations à faible valeur ajoutée.

« Toutefois, il est intéressant de noter que le LPO peut prendre trois formes : tout d’abord « onshore », c’est-à-dire dans le pays même où le cabinet ou l’entreprise se trouve, ensuite « nearshore » dans un pays proche ou enfin « offshore » dans un pays lointain où les coûts de main d’œuvre sont beaucoup plus faibles » indique l’étude.

Toujours en France et en ce qui concerne les avocats, les instances représentatives de la profession (CNB, Ordre des avocats…) viennent de créer un groupe de travail afin de se pencher, dans les prochaines semaines, sur la légalité et la faisabilité pour un avocat français d’externaliser des prestations juridiques hors de France (notamment au Maroc, pays où de nombreux cabinets français possèdent des filiales).

En matière d’externalisation offshore, l’Inde représente près de 40% du marché mondial avec plus de 100 cabinets identifiés

Ce marché a connu des taux de croissance exceptionnels de plus de 50% chaque année pour atteindre un chiffre d’affaires prévisionnel de 440 millions de dollars en 2010. Certaines prévisions tablent sur un chiffre d’affaires proche d’1 milliard* de dollars, d’autres sur 4 milliards** de dollars en 2015. De plus, d’autres pays semblent également se positionner, ainsi les Philippines attirent de plus en plus de sociétés tout comme le Sri Lanka, l’Afrique du Sud, le Chili, le Mexique, Singapour et la Malaisie. (*) Etude ValueNotes 2006/2007 (**) Etude Forrester Research 2006/2007

Les raisons de cet engouement tiennent à la connaissance du système juridique anglo-saxon et de la langue anglaise ainsi qu’à la flexibilité, et désormais la qualité, de la main d’œuvre indienne.

Ce marché de niche très rentable a suscité la création d’une centaine cabinets depuis 10 ans en Inde (identifiés dans l’étude Day One), avec quelques grands acteurs présents à New Delhi ou Bangalore mais aussi à New York, Washington, Jersey ou encore à Bruxelles ou à Paris.

Des prestations avec de plus en plus de valeur ajoutée…

« Ce marché a aussi considérablement évolué depuis 10 ans en termes de prestations proposées, lesquelles étaient au début constituées de tâches purement répétitivités à faible valeur ajoutée pour devenir des services à plus forte valeur ajoutée aujourd’hui, notamment en propriété intellectuelle, en rédaction et gestion des contrats ou encore en support au contentieux » précise Olivier Chaduteau, associé du cabinet Day One (sur l’ensemble des cabinets répertoriées, 47% proposent des prestations en propriété intellectuelle et 45% la rédaction de contrats) – voir Annexe : Offre global des firmes indiennes en matières de LPO.

Enfin, l’étude identifie aussi les points forts et les points faibles de la mise en place d’une stratégie de LPO.

Principaux avantages :

– l’économie de coûts

– l’amélioration de la profitabilité du cabinet ou du département juridique,

– l’externalisation pratiquée par les concurrents qui deviennent plus compétitifs,

– le gain de temps grâce au décalage horaire,

– le transfert de l’augmentation de la charge de travail,

Principaux inconvénients :

– la qualité du travail fourni,

– la nécessité de maintenir la confidentialité du client et des données,

– la difficulté d’obtenir un bon support clients,

– le fait qu’il n’y ait pas de recours si un juriste indien ne respecte pas les règles éthiques,

– la qualité des compétences ou des connaissances et la motivation des salariés,

– le potentiel conflit d’intérêts des sociétés qui pourraient travailler pour des clients ayant des intérêts conflictuels.

« Que vous soyez une Direction Juridique ou un cabinet d’avocats, il faut surtout se souvenir de 2 points essentiels : (1) on n’externalise jamais un problème, mais une partie d’un processus très structuré, (2) il faut faire évoluer son organisation en mettant en place une structure en interne de contrôle et de management de projet afin que les aspects ‘coûts, qualité, délais et confidentialité’ soient maîtrisés et respectés » conclut Olivier Chaduteau.