LA PROCEDURE DE CONCILIATION

A l'iniative du dirigeant, souple, efficace et encadrée par la loi, la procédure de conciliation a pour but de trouver un accord entre les créanciers et le débiteur. L'accord est homologué ou non, au choix des intervenants.

 

Les conditions d'accès à la procédure de conciliation

 

L'article L611-4 du code de commerce prévoit que la procédure de conciliation est ouverte aux personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent des difficultés juridique, économique ou financière, avérées ou prévisibles, et ne se trouvent pas en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Elle est aussi applicable, selon l'article L611-5 du Code de commerce, aux personnes morales de droit privé, et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, ainsi qu'aux professions libérales.

 

Les conditions sont les suivantes :

  • Exercer une activité commerciale, artisanale, une profession libérale ou une activité indépendante,
  • Ne pas être en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours,
  • Eprouver des difficultés juridique, économique ou financière avérées ou prévisibles.

 

Cela implique que la procédure de conciliation soit sollicitée très tôt, dès lors que les difficultés ont été détectées et que le dirigeant est en mesure de penser que des menaces pèsent sur son entreprise. 

 

La demande de conciliation

 

L'article L 611-6 du Code de commerce précise que la demande de conciliation se fait sous la forme d' une requête adressée par le débiteur au président du tribunal compétent qui est le même que celui qui est habilité à recevoir une requête de nomination d'un mandataire ad hoc.

 

La requête doit contenir ( Article L611-6 code de commerce ) :

  • L'exposé de la situation économique, sociale et financière du débiteur et le débiteur doit justifier, motiver sa demande de conciliation,
  • Un plan de financement et un compte de résultat prévisionnel,
  • Les besoins en financements et si possibles les moyens d'y faire face,
  • le cas échéant la date de cessation des paiements,
  • L'ordre professionnel ou l'autorité dont dépend le débiteur lorsqu'il exerce une profession libérale soumise à statut législatif ou règlementaire.

Doivent être annexés à la requête ( Article R 611-22 code de commerce ) :

  • Un extrait d'immatriculation au registre du commerce,
  • L'état des créances et des dettes accompagné d'un échéancier ainsi que de la liste des principaux créanciers,
  • L'état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan,
  • Les comptes annuels, le tableau de financement ainsi que la situation de l'actif réalisable et disponible, valeurs d'exploitation exclues, et du passif exigible des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis,
  • Une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de procédure de conciliation dans les 3 mois précédant la date de la demande.

Toutes les informations et documents fournis vont permettre au président du tribunal de se forger une opinion sur la situation du débiteur et de vérifier si l'état de cessation des paiements ne remonte pas à plus de 45 jours.

 

Le débiteur peut, proposer dans la requête, le nom d'un conciliateur. Pour cela, il doit préciser l'identité et l'adresse de ce dernier. La requête doit être formulée par écrit, signée et datée du jour de son dépôt au président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance. 

 

L'ouverture de la conciliation

 

Dès la réception de la demande de conciliation, le président du tribunal fait convoquer, par le greffier, le représentant de la personne morale ou le débiteur personne physique pour recueillir ses observations ( Article R611-23 code de commerce ). Le président du tribunal peut user de son droit de communication envers les commissaires aux comptes, des membres et représentants du personnel, des administrations publiques, ainsi qu'auprès des établissements bancaires et financiers.Toutes ces personnes ne sauraient opposer au président du tribunal le secret professionnel.

 

Le président du tribunal peut demander une expertise sur la situation économique, sociale et financière de l'entreprise.

 

Si le président accepte l'ouverture d'une procédure de conciliation, il rend une ordonnance dans laquelle il nomme le conciliateur. Elle doit être notifiée sans délais au demandeur. L'ordonnance désigne un conciliateur pour une période n'excédant pas 4 mois, prorogeable d'un mois sur demande du conciliateur lui même. L'ordonnance doit définir la mission et fixer les conditions de la rémunération du conciliateur. La mission du conciliateur est de faciliter la conclusion d'un accord entre le débiteur et les principaux créanciers.

 

L'ouverture de la conciliation n'entraine pas la suspension des poursuites individuelles des créanciers,  mais aucune procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ne peut intervenir pendant la durée de la conciliation. Cela permet donc d'échapper à ces procédures jusqu'à la clôture de la procédure de conciliation.

 

Le juge peut refuser l'ouverture d'une procédure de conciliation en estimant que l'ouverture d'une telle procédure n'est pas nécessaire ou au contraire, les difficultés du débiteur sont trop importantes et l'entreprise est en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Cela implique qu'une négociation amiable avec les créanciers ne portera pas ses fruits et ne sera pas suffisante afin de redresser l'entreprise.

 

Dans ce cas, il semble qu'en vertu de l'article L631-5 du Code de commerce, le tribunal peut se saisir d'office et ouvrir une procédure de redressement judiciaire. S'il estime que les difficultés de l'entreprise ne pourront être surmontées, il pourra même prononcer la liquidation judiciaire. Le refus d'ouverture d'une procédure de conciliation est, selon l'article R611-26 du Code de commerce, susceptible d'appel. Le demandeur peut interjeter appel de la décision de refus prise par le président du tribunal. Avant que l'affaire ne soit transmise à la Cour d'Appel, le président du tribunal dispose d'un délai de 5 jours pour revenir sur sa décision en la modifiant, ou en se rétractant. 

 

Le déroulement de la procédure de conciliation

 

Le conciliateur est nommé pour une durée de 4 mois avec une possibilité de prorogation d'une durée d'un mois ( R611-6 code de commerce ). A la fin de ce délai, la conciliation prend fin de plein droit. Cela oblige à prendre des décisions rapidement. Le conciliateur n'est pas chargé d'administrer, de gérer l'entreprise. La conciliation n'a pas non plus, pour effet de dessaisir le chef d'entreprise de ses fonctions. Le conciliateur a pour mission de faire l'état des lieux des difficultés que rencontre l'entreprise et négocier avec les créanciers afin d'orienter les parties vers un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l'entreprise. Le conciliateur ne doit pas se contenter de négocier des délais de paiements. Les accords trouvés doivent permettre le rétablissement de la situation de l'entreprise.

 

Le conciliateur va aussi pouvoir faire des propositions se rapportant à la sauvegarde de l'entreprise, à la poursuite de l'activité et au maintien de l'emploi.Ce pouvoir d'initiative du conciliateur est complété par l'article R611-36 du Code de Commerce qui précise que le conciliateur peut, demander au tribunal de mettre fin à sa mission si le dirigeant rejette ses propositions.

 

L'article L 611-15 du code de commerce précise que « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ». Le but de la conciliation est de favoriser la conclusion d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés, entre la société et ses principaux créanciers (article L611-7 al 1 du Code de Commerce).

 

Une fois que l'accord est signé, il s'impose aux créanciers. Cet accord doit mentionner clairement les créanciers signataires et les créances incluses dans l'accord.

 

Si aucune solution amiable n'a pu être trouvée dans les délais impartis, alors le conciliateur doit rendre compte de l'échec de sa mission au président du tribunal compétent. Ce peut être le cas par exemple lorsqu'un créancier refuse de faire partie des négociations ou bien décide de les abandonner.

 

Sans accord, il semble possible d'envisager 4 situations différentes :

  • Soit la situation de l'entreprise s'est améliorée et le débiteur peut se passer de conciliation,
  • Soit, le débiteur peut demander l'ouverture d'une procédure de sauvegarde dans le cas où il ne se trouve pas encore en état de cessation des paiements,
  • Soit le débiteur est en état de cessation des paiements, mais sa situation peut encore être redressée. Dans ce cas, il pourra être placé en redressement judiciaire,
  • Soit le débiteur est en état de cessation des paiements et sa situation semble être durablement compromise. Aucune possibilité ne peut être envisagée pour maintenir la continuité de l'exploitation. Dans ce cas, il pourra être placé en liquidation judiciaire. 

L'accord de conciliation : homologation ou constatation de l'accord ?

 

Lorsqu'un accord est conclu dans le cadre d'une procédure de conciliation, ce dernier peut être soit constaté par le juge soit homologué (option proposée par l'article L611-8 du Code de Commerce).

 

La constatation de l'accord est faite par le président du tribunal sur demande conjointe des parties, c'est-à-dire du débiteur et des créanciers parties à l'accord.

Cependant la condition est que le débiteur doit attester qu'il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de la conclusion de l'accord (article L611-8 I Code de Commerce).Le président va alors rendre une ordonnance constatant l'accord mais cette dernière ne fera pas l'objet de publicité. L'absence de publicité va permettre de conserver le caractère confidentiel de la conciliation.La constatation judiciaire de l'accord permet de conserver la plus grande confidentialité sur la procédure de conciliation. Cependant, elle ne confère par la même sécurité juridique aux parties.

 

L'homologation de l'accord est faite par le Tribunal lui même. Le dirigeant peut demande d'homologuer l'accord si les conditions suivantes sont réunies :

  • Le débiteur n'est pas en cessation des paiements ou l'accord conclu y met fin
  • Les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise
  • L'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires

Le tribunal statue sur l'homologation après avoir entendu le débiteur, les créanciers parties à l'accord…. L'homologation de l'accord met fin à la procédure de conciliation. Le jugement d'homologation est déposé au greffe, ce qui implique que tout intéressé peut en prendre connaissance. De plus, il fait l'objet d'une publicité. L'homologation de l'accord fait donc perdre tout caractère confidentiel à la procédure de conciliation.

 

Si l'accord est homologué cela entraine :

  • Pas de report de la date de cessation des paiements ni de remise en cause des actes accomplis jusqu'à la date de l'homologation,
  • Il y a suspension des poursuites par les signataires, pour toute personne ayant consenti une sureté personnelle (caution par exemple) ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie,
  • Il n'y a plus de recours possible pour les créanciers signataires,
  • L'homologation met fin à la procédure de conciliation et permet de lever l'interdit bancaire, de rétablir les comptes.

 

C'est la disposition qui prévoit le "privilège du New Money" (article L 611-11 Code de commerce) qui rend parfois indispensable de faire homologuer l'accord, à la demande  des banques notamment. En effet, ce privilège vise à convaincre les créanciers de prêter aux entreprises en difficulté. L'article L611-11 du Code de Commerce dispose que : « en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans l'accord homologué, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances. Les personnes qui fournissent, dans l'accord homologué, un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service. »

 

Si la conciliation échoue, que les paiements à échéance ne sont pas effectués, ou qu'il y a impossibilité de redresser l'entreprise, alors il est prévu l'ouverture d'une procédure collective. 

 

Les avantages de la procédure de conciliation

 

La procédure de conciliation permet de bénéficier de nombreux avantages. Elle permet, si le débiteur le souhaite de conserver la confidentialité tout au long de la procédure. Cependant, si le débiteur souhaite opter pour l'homologation de l'accord alors cela entrainera une publicité légale et donc la rupture de la confidentialité. La conciliation va permettre de s'entendre avec les créanciers afin de signer un véritable accord pour aider l'entreprise à se sortir des difficultés qu'elle rencontre.

 

L'accord homologué confère une meilleure sécurité juridique et permet la suspension des poursuites individuelles de la part des créanciers signataires. Il encourage les créanciers à prêter à l'entreprise en difficulté, grâce au privilège du New Money. La conciliation est un mode amiable de règlement des difficultés de l'entreprise. Cette procédure est souple, rapide et confidentielle.

 

La conciliation peut être demandée dans les 45 jours suivants la déclaration de cessation des paiements. En effet, cela est un réel avantage par rapport au mandat ad hoc, qui lui, ne peut être demandé que lorsque l'entreprise n'est pas encore en état de cessation des paiements.

 

La conciliation va surtout permettre à l'entreprise en difficulté de ne pas se retrouver directement dans une procédure collective de redressement judiciaire. La conciliation va tout d'abord permettre de tenter un règlement amiable des difficultés. Si elle échoue, c'est seulement à ce moment là que sera envisagée une procédure collective.