Peut-on reprendre une entreprise en majoritaire avec un apport en fonds propres relativement faible ?

Tout repreneur préfère à priori, s'il le peut, être majoritaire voire seul au capital de son entreprise ou de sa holding. Mais le contrôle majoritaire doit-il être un objectif prioritaire, et si oui comment le préserver  ? Cette question en appelle d'autres :

  • par rapport à quels critères mon apport sera-t-il jugé suffisant ?
  • existe-t-il un niveau "moyen" de fonds propres auquel je puisse me comparer  ?
  • à quel "marché" de la reprise puis-je accéder  ?
  • La reprise "en solo" est-elle un objectif en soi ?

Sur le plan patrimonial, c'est en effet l'assurance de ne partager ni les dividendes ni les plus values à terme. Sur le plan opérationnel, c'est aussi la maîtrise totale des décisions stratégiques.

 

Cet objectif est légitime, logique et réalisable pour de petites opérations, dont la taille n'intéressait d'ailleurs pas les investisseurs professionnels : leur seuil d'intervention minimum ("ticket d'entrée") varie - d'environ 100 à 1000 K€ - selon qu'ils sont privés (capital risque) ou semi-publics (fonds d'aide régionaux), indépendants ou filiales de banques, institutionnels ou business-angels, spécialisés ou non, etc…

 

Inutile donc d'envisager un tour de table majoritaire avec des professionnels pour des valorisations inférieures à 1 M€, et si l'apport personnel est inférieur à 200K€. En dessous de ces niveaux, mieux vaut avoir recours si nécessaire au "love money" (familial ou amical). Mais y compris dans les cas où un montage "en solo" pourrait être suffisant, on devra réfléchir à l'intérêt, voire à la nécessité, de faire appel à des co-investisseurs.

 

En effet, la solitude bien connue des dirigeants de PME, lors de décisions délicates, peut être réduite par la présence d'associés pertinents (même et parfois surtout s'ils sont peu impliqués dans le quotidien). De plus, leur apport financier, initial et ultérieur, peut favoriser et accélérer la réalisation du projet et son développement futur, en allégeant les ratios d'endettement.

 

Le profil personnel du repreneur est déterminant : outre le niveau de ses fonds propres et ses engagements patrimoniaux (actifs immobiliers, endettement, situation familiale, etc…), son profil psychologique et ses expériences en matière de direction partagée influenceront son choix.  Un cadre supérieur de groupe, habitué au partage des décisions et au "reporting" avec des partenaires exigeants, saura en principe gérer la relation avec ses associés, en acceptera les contraintes et préfèrera leur accorder une proportion de capital élevée pour réaliser une opération inaccessible par ses moyens propres.

 

Inversement, un repreneur soucieux d'autonomie, moins rompu aux concessions, sera sans doute enclin à choisir une configuration "solo", quitte à réduire la taille de ses cibles.

 

Enfin, la nature de la cible (activité, structure humaine) n'est pas indifférente non plus. Un secteur d'activité évolutif, concurrentiel, où des opportunités de "build up" (croissance et synergies par acquisition de cibles complémentaires) sont probables, nécessitera des apports successifs de fonds propres et de compétences facilités par un tour de table initial plus ambitieux.

 

Au contraire, une PME déjà bien structurée, dont le business plan est plutôt axé sur la croissance interne, ou dont  les enjeux stratégiques et financiers sont modestes, justifiera plutôt un montage traditionnel.

 

Comment préserver le contrôle majoritaire en présence d'associés ?

 

Plusieurs techniques de montage juridique et financier, qui peuvent se cumuler, permettent de conserver la majorité capitalistique, et au moins la maîtrise des décisions.

 

La première, presque systématiquement employée car elle répond aussi à des objectifs fiscaux, est la reprise par l'intermédiaire d'une holding : le partage du capital d'une holding, sauf s'il se heurte à des considérations personnelles (volonté d'en faire un support patrimonial familial), permet de traiter les associés de façon homogène (donc de réduire les sources de conflits éventuels) tout en éloignant les minoritaires des décisions opérationnelles de la société cible. Cette solution s'applique même à de petites opérations (en pratique pour un besoin de financement externe d'au moins 150 à 200 K€), car elle demeure peu coûteuse et présente d'autres avantages (future structure de groupe avec entrée de nouvelles cibles et/ou de nouveaux partenaires, activation de la holding en y logeant des actifs et activités immobilières, de direction, de gestion, de conseil, etc…).

 

 Une "cascade" de plusieurs holdings (rarement plus de deux dans la pratique) permet de dissocier encore davantage le niveau capitalistique et la direction, en permettant à l'actionnaire majoritaire de la holding de tête (via un premier tour de table "amical et familial" avec endettement et effet de levier limité) de contrôler une seconde holding, laquelle supporte la dette principale (second effet de levier et tour de table complémentaire) et détient la cible. La complexité de ce type de montage, et les frais initiaux et de fonctionnement, le réservent naturellement à des opérations d'une taille suffisante, où la qualité du manager-repreneur, et son désir ferme d'être majoritaire, peuvent le justifier.

 

De même, et notamment si le partenaire principal est une banque, la ventilation des apports financiers entre prêt et actions, obligations convertibles, voire compte courant, est conçue pour préserver le contrôle par le dirigeant opérationnel

 

Les obligations convertibles (pour mémoire : apport assimilé à une dette bancaire, mais  transformable en actions lors de la réalisation de certaines conditions et délais) sont l'outil le plus classique en la matière. Elles présentent naturellement un risque en cas de non respect du pacte ou des résultats prévus, mais peuvent grandement faciliter le financement d'une opération tendue, face à des investisseurs exigeants

 

Parmi les solutions qui permettent de financer une acquisition à un prix théoriquement supérieur à un montage classique par emprunt, et si l'écart n'est pas trop élevé (en pratique 10 à 20 %), figure le recours à l'actionnaire cédant. En effet, plutôt que de faire appel à des investisseurs externes, le crédit-vendeur ou la participation temporaire de l'ancien dirigeant au capital peuvent limiter les risques et les garanties à apporter. Ils génèrent cependant un effort de trésorerie à moyen terme, par rapport au remboursement d'un prêt ou à la sortie d'actionnaires financiers, tous deux à long terme.

 

 Enfin, il ne faut pas négliger les possibilités presque infinies qu'offre l'ingénierie juridique et financière pour la rédaction des statuts et pactes d'actionnaires, pour attribuer aux actions des droits prioritaires (votes, dividendes, préemption, etc…), préserver le pouvoir de direction et faire évoluer les positions dans le temps. Dans certains cas, les conseils en cession-acquisition proposeront par exemple de dissocier la propriété de certains actifs, afin de réduire la valeur de l'exploitation et d'en faciliter ainsi le contrôle par le repreneur. Les actifs immobiliers peuvent notamment être transférés à des investisseurs ou partagés avec eux sans graves conséquences sur la vie et la gestion de l'entreprise.

 

Mon apport est-il suffisant ?  A quel montant d'opération puis-je accéder et comment le calculer ?

 

Sur le marché de la reprise des PME (hors TPE de commerce, service ou artisanat, très nombreuses mais dont la valeur est souvent représentée par la seule compétence du cédant, donc peu transmissibles), les repreneurs personnes physiques ont des profils variés, notamment du point de vue financier.

 

La majorité des candidats-repreneurs ont un apport en fonds propres compris entre 200 et 400 K€. On note au cours des dernières années une augmentation régulière de l'apport moyen (qui s'approche de 300 K€, la médiane étant autour de 200 K€).

 

On remarque un "effet de seuil" selon lequel des fonds propres plus élevés permettent souvent d'obtenir un "levier" plus important (rapport entre prix d'acquisition et fonds propres) : une entreprise de forte valeur étant en principe mieux structurée, et les possibilités d'action (économies de gestion, R&D, etc…) plus  nombreuses, sa capacité de remboursement de la dette est donc jugée moins risquée, et elle permet de réunir un tour de table autour du manager-repreneur, ce qui n'est pas le cas des petites structures.

 

Cet effet de seuil, ajouté à la concurrence qui existe entre les nombreux repreneurs de profil moyen (200 à 300 K€), complique leur accès au marché et peut leur laisser craindre que leur apport est insuffisant, surtout dans le contexte bancaire des derniers mois. En fait, le ratio classique (apport > 1/3 du prix) a toujours été et restera la règle idéale, mais nombre d'opérations se réalisent avec des leviers plus importants (jusqu'à 1/5 voir 1/8, exceptionnellement davantage).

 

C'est bien entendu la capacité d'autofinancement prévisionnelle de la société cible qui est le critère déterminant pour calculer le ratio admissible. Une fois déterminée la CAF récurrente disponible (en sus du remboursement des emprunts en cours), il est aisé de calculer l'annuité maximum de la dette d'acquisition (60 à 80 % de la CAF selon l'évaluation des besoins d'investissement et des risques), donc la dette d'acquisition supportable (D).

 

La somme : Dette supportable + Fonds propres + Apports associés (acceptables pour conserver le contrôle majoritaire ou non) donnera le Prix maximum d'acquisition.

 

On voit donc qu'il n'y a pas de réponse unique, mais que pour chaque dossier, un calcul doit être fait, qui permet de déterminer le niveau nécessaire d'apport en fonds propres (repreneur + associés). C'est pourquoi il est demandé au candidat repreneur d'indiquer précisément ses fonds personnels disponibles et ses souhaits en matière de contrôle du capital, ceci non pas par curiosité ou simple habitude, mais afin que les conseils et intermédiaires qu'il sollicite puissent l'orienter vers des projets adaptés, préalablement évalués.


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