Il est tentant pour un repreneur de vouloir « remonter de la trésorerie » de la cible convoitée, vers la holding de reprise, pour contribuer à boucler son plan de financement. Puis en cours d'année de prélever sur la cible de quoi rembourser la dette senior. Attention... Ces opérations sont règlementées.
Ce sont les soldes. Vous vous présentez dans un grand magasin, vous y essayez un pantalon. Le prix de 100 € vous convient. Vous partez avec, et rentrez chez vous. A domicile, vous le réessayez avant de le porter. En palpant la poche revolver, vous sentez quelque chose… Vous y plongez la main, et – surprise totale - vous en extirpez un billet de 20 € ! Combien vous est revenu le pantalon ? Réponse : 80 €
Il n’y a pas de telles (bonnes) surprises en matière de reprise de titres sociaux, mais imaginons une société cible dont le prix convenu entre les parties est de 1000K€, et que celle-ci dispose d’une trésorerie nette (TN) de 200K€. De quelle somme aurez-vous besoin pour boucler votre plan de financement (titres seuls) ? Réponse : 800 K€
I - La trésorerie de la cible avant la reprise
En effet, il est tentant pour un repreneur de vouloir « remonter de la trésorerie » de la cible convoitée, vers la holding de reprise, pour contribuer à boucler son plan de financement. Mais attention, cette opération doit être encadrée sous peine d’être juridiquement contestable.
En effet, la Cour de Cassation a eu l’occasion à plusieurs reprises de qualifier d’abus de biens sociaux les remontées de trésorerie qui ne seraient pas réalisées en tenant compte de l’intérêt commun des différentes entités du groupe, qui conduisent à rompre l’équilibre entre les engagements respectifs des sociétés concernées ou qui excèdent les capacités financières de la société cible. Dans le cadre d’une opération de LBO la jurisprudence a condamné des remontées de trésorerie qui n’auraient en fait été consenties qu’au profit des associés de la société holding.
De plus, sous l’impulsion du droit européen, le Code de commerce dispose qu’une société par actions « ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentie en vue de la souscription ou de l’achat de ses propres actions par un tiers » (Article L225-216 C.Com).
En préalable absolu, il convient donc d’apprécier le juste montant de la trésorerie de la cible pouvant être remontée au niveau de la holding.
Et c’est là qu’il faut faire la différence entre Trésorerie Nette (TN) et trésorerie structurellement excédentaire. S’il y a un cycle d’activité, une saisonnalité des ventes au cours d’un exercice fiscal, il n’est pas évident que la trésorerie apparaissant au Bilan soit la même tout au long de l’année. Il conviendra donc d’apprécier le CAHT au mois le mois sur plusieurs années ainsi que les soldes mensuels de trésorerie sur la même période. Car il est très possible que le Besoin en Fonds de Roulement (BFR) soit inégal sur la période et vienne amoindrir le niveau de la Trésorerie Nette par rapport à celui qui apparaît à la clôture de l’exercice.
Dans ce cas, si l'on procède à une "remontée" excessive de trésorerie, la cible risque d'être en difficulté, ce qu'il faut absolument proscrire. On ne "remontera" qu'une somme que l'on considérera comme structurellement excédentaire.
a) Une première façon de « remonter » cette trésorerie sera de négocier un « prêt relais » auprès de la banque
Le temps que l’Assemblée Générale suivante de la cible décide de verser des dividendes de ladite cible vers la holding, ces dividendes correspondant à ce que le repreneur - et son Conseil – auront considéré comme étant structurellement excédentaire. A ce moment là, le prêt relais sera remboursé.
>>> Cette première solution devra n’être que rarement retenue en pratique dans la mesure où elle générera une charge d’intérêts supplémentaires pour la société holding qui sera déjà fortement endettée du fait de la dette d’acquisition.
b) Une seconde façon consistera à verser un dividende exceptionnel lors du closing.
Le jour de l’échange des titres, c’est-à-dire une fois l'acte de cession - reprise définitivement établi, l'avocat du repreneur procédera à une AGO qui décidera que la société nouvellement acquise remontera sous forme d’une distribution exceptionnelle de dividendes la somme convenue à la holding, nouvelle propriétaire des titres de la nouvelle filiale. Ces dividendes figureront alors légitimement dans les fonds propres de la holding.
>>> Ce mode opératoire est immédiat, renforce tout de suite les fonds propres de la holding d’acquisition et aura permis par le montage présenté au banquier d’obtenir le financement classique, sans « prêt relais » complémentaire. Le repreneur retiendra sans aucun doute cette option.
II - La trésorerie de la cible après la reprise
Après la reprise, la holding va devoir naturellement faire face aux échéances de remboursement de l’emprunt contracté pour l’acquisition de la cible.
Le plus souvent, la holding n’a pas de revenu récurrent. Les « management fees » facturés par la holding à la nouvelle filiale correspondront uniquement à la rémunération du repreneur et à ses charges sociales ainsi qu’aux dépenses d’exploitation courantes (déplacements du dirigeant, loyer de la holding, honoraires juridiques et comptables, etc…). Ceci n’est pas de nature à générer un excédent pour le remboursement de l’emprunt (intérêts et capital).
Trois solutions sont envisageables :
a) Le montage de la reprise prévoit une échéance annuelle de remboursement.
La cible réalise son exercice comptable, clôture ses comptes et convoque son AGO. Au cours de celle-ci, elle vote le versement d’un dividende à la holding de reprise. Celle-ci est alors en mesure de rembourser son annuité d’emprunt.
>>> Si ce mode opératoire est simple, il est désavantageux pour le repreneur (plus vous remboursez tard, plus vous payez d’intérêts) et il est facteur d’accroissement de risque pour le banquier (qui préfèrera obtenir son remboursement à cadencement rapproché).
b) Le montage de la reprise prévoit une à deux échéances de remboursement.
L’AGO ayant lieu une fois par an, il est illégal de remonter la trésorerie de la cible en cours d’année. La seule solution consiste à établir une situation comptable en cours d’année et à la faire certifier par le commissaire-aux-comptes qui attestera le montant du bénéfice sur lequel un acompte sur dividendes pourra être versé à la holding. Cette dernière pourra ainsi faire face à son échéance de remboursement.
>>> Cette solution est lourde et devra conduire la société à engager des honoraires complémentaires.
c) La troisième solution consistera à mettre en place une convention de gestion de trésorerie entre la holding et sa(ses) filiale(s).
Par cette convention de trésorerie, il sera stipulé que la holding gère les excédents de trésorerie pour l’ensemble du groupe ainsi constitué (au départ : la holding et sa filiale). Cela permet à la holding d’ouvrir dans ses livres, un compte courant au nom de sa filiale, et de disposer au jour le jour, des excédents de trésorerie générés par sa filiale.
La holding pourra faire face au mois le mois, si c’est le cas, à ses échéances d’emprunt. La périodicité mensuelle de remboursement permet à la fois de rassurer le banquier et de minorer la charge d’intérêts.
A l’AGO de la filiale, il sera décidé de verser le dividende convenu à la holding. Le dividende versé viendra annuler le compte courant constitué par la filiale dans les comptes de la holding. Et ainsi de suite, tous les ans, jusqu’à extinction de l’emprunt.
>>> Au plan fiscal, dans le cadre du régime dit « mère fille » (participation > 5 %), les distributions de dividendes opérées par la filiale au profit de la société mère ne seront imposées au titre de l’Impôt sur les sociétés (IS) qu’à hauteur de 5%, soit un frottement fiscal limité à 1,67% sur la base du taux de droit commun de l’IS (5% de 33, 1/3 %).
En cas d’intégration fiscale entre la société Holding et sa filiale (participation > 95 %), ce frottement de 1,67% disparaîtra à compter du second exercice d’appartenance au groupe intégré.
Comme on le voit, l’utilisation de la trésorerie de la cible est tout à fait réglementée, aussi bien avant la reprise que pendant les années de remboursement de l’emprunt. Une application judicieuse des outils juridiques et fiscaux à disposition de l’acquéreur, alliés à une stricte analyse financière permettra au repreneur de bénéficier pleinement du mécanisme avantageux du LBO (leverage buy out) pour son opération de reprise de titres sociaux.
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