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«Difficile de parler d'une date précise de sortie de la liste noire»

ENTRETIEN AVEC L'AMBASSADEUR DE L'UNION EUROPÉENNE - MONSIEUR VINCENT DEGERT

Maurice a engagé un certain nombre de réformes et d’actions qui vont dans la bonne direction. Désormais, il convient d’en démontrer l’effectivité tant au niveau de la supervision que des enquêtes et investigations menées, indique Vincent Degert.

En ce moment, le GAFI poursuit l’exercice de «review» en vue du «delisting» de Maurice de sa liste grise. Peut-on s’attendre à ce que nous sortirons de cette liste d’ici à février 2021 ?

Il est difficile de parler d’une date précise de sortie car celle-ci dépend de plusieurs facteurs.  Il faut avant tout rappeler que l’Union européenne (UE)  soutient l’action du GAFI depuis sa création, en 1989.  À ce titre, l’UE s’appuie effectivement sur le travail réalisé par ce «gendarme international» de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme international, et notamment sur ses analyses de risques liés au blanchiment.  Il y a donc un historique et une méthode qui régissent cette matière.  

«Nous restons pleinement mobilisés pour accompagner les autorités mauriciennes»

À partir du moment où le GAFI prend la décision d’inscrire ou de sortir le pays de sa liste de monitoring, il faut compter en général un délai de six semaines à deux mois pour une décision de l’Union européenne.  Celle-ci procède pour chaque cas à son propre examen et garde son autonomie de décision. 

Étant basé à Maurice, vous êtes au courant de toutes les initiatives prises par Maurice pour donner de la substance à sa juridiction.  D’ailleurs, dans cette optique, la loi sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a été amendée pour répondre aux cinq points techniques soulevés par le GAFI. Est-ce logique que Maurice soit «blacklistée» et se retrouve au même titre que des paradis fiscaux qui sont très peu réglementés ?

Les cinq points soulevés sont en réalité qualifiés de «déficiences stratégiques» en matière de blanchiment (les paradis fiscaux relèvent, eux, d’une question de législation fiscale, même s’il y a certains éléments de convergence) et basées sur 11 indicateurs d’effectivité définis par le GAFI.  Celui-ci a, sur cette base, pris la décision, en février dernier, de placer Maurice en situation de monitoring.  C’est dans le prolongement de cette décision du GAFI qu’est intervenue la décision de l’Union européenne le 7 mai dernier de placer Maurice et 11 autres pays sur sa liste des pays présentant des risques en termes de blanchiment d’argent.

 

 

Depuis, les autorités mauriciennes ont engagé un certain nombre de réformes et d’actions qui vont objectivement dans la bonne direction et dont il convient désormais de démontrer l’effectivité tant au niveau de la supervision que des enquêtes et investigations menées.  Cet été, Maurice a soumis son premier rapport d’étape au GAFI sur la mise en œuvre de son plan d’action. Le 21 août, le GAFI a envoyé ses premiers commentaires, ainsi que des demandes de clarifications.  Maurice a répondu à ces demandes dans le délai prescrit et a demandé une rencontre qui a eu lieu le 8 septembre.  Le rapport final est attendu en cette fin du mois de septembre.

En tant qu’ambassadeur de l’Union européenne, comment est-ce que vous soutenez la cause mauricienne auprès de Bruxelles ?

Nous sommes dans une logique de partenariat et je suis bien évidemment en contact permanent avec la Direction Générale de Commission européenne responsable de ce dossier comme avec les autorités mauriciennes.

 

Afin de faciliter le dialogue et les discussions techniques entre ces spécialistes, une réunion par visioconférence s’est tenue dans les locaux de mon ambassade en juillet.  Nous avons, en outre, mobilisé plusieurs experts au mois d’août pour aider Maurice et pour soutenir ses efforts en vue de la mise en œuvre accélérée du plan d’action du GAFI.

 

 

Cette assistance technique est, en fait, en place depuis novembre 2019 et avait déjà permis, en dépit du confinement, de dispenser des formations en ligne aux représentants de la Gambling Authority et de la police.  Nous restons pleinement mobilisés, mes services et moi-même, pour accompagner les autorités mauriciennes afin d’aider à constituer un dossier solide et convaincant.

Source: Business magazine