7 bonnes pratiques pour réussir sa stratégie de coopétition

L’art de trouver le bon dosage entre collaboration et concurrence. Il existe de nombreux exemples de collaborations réussies dans le cadre de relations verticales entre entreprises. 

 

Les relations entre clients et fournisseurs sont actuellement propices au développement de relations plus partenariales ou plus collaboratives, mais ce ne sont pas les seules. Historiquement axée sur la recherche de l’attaque concurrentielle, l’intelligence économique se tourne aujourd’hui davantage vers l’identification de points de coopération avec les concurrents. C’est ce qu’expliquait très bien le professeur de stratégie David Salvetat il y a déjà dix ans, n’hésitant pas à proposer de parler d’intelligence coopétitive. Dès le milieu des années 1980, ce sont les évolutions des pratiques des entreprises, avec la multiplication des accords de coopération entre concurrents, qui avaient contribué à l’émergence de théories nouvelles, dans les années 1990, visant à mieux comprendre les logiques de coopétition, à la suite de la démocratisation du terme par Barry J. Nalebuff et Adam M. Brandenburger en 1996.

 

Les coûts de la compétition généralisée sont supportés par chacun des concurrents eux-mêmes, mais aussi par l’ensemble de la communauté qui les entoure. Mais au-delà d’une justification par défaut, fondée sur les problèmes et sur les coûts générés par la compétition, la logique collaborative, lorsqu’elle s’applique à des concurrents, revêt en elle-même de nombreux intérêts.

  • La force de la logique collaborative

A force d’externaliser et de confier à d’autres, sous-traitants ou fournisseurs, ce que l’on faisait avant, rares (pour ne pas dire inexistantes) sont les entreprises capables d’innover seules. Des compétences ou des briques technologiques, indispensables à l’innovation, se trouvent immanquablement chez les partenaires économiques que sont les fournisseurs, les clients ou… les concurrents (lire aussi l’article : « Gérer l’innovation multipartite »). Il existe ainsi de nombreux exemples de concurrents qui collaborent régulièrement entre eux, impliquant tant des grandes entreprises (Apple et Samsung, par exemple) que des structures beaucoup plus petites (comme ces fabricants textiles marocains qui restent de taille modeste pour gagner en agilité mais fonctionnent de manière suffisamment collaborative pour répondre ensemble à des commandes importantes en mutualisation leurs outils de production).

 

Dans le cas de la création d’un nouveau marché, la coopétition peut également s’avérer judicieuse en vue d’« éduquer » le marché, notamment en développant ensemble de nouvelles normes et de nouvelles offres. Elle est alors non seulement compatible mais également cohérente avec une stratégie type Océan bleu, qui consiste à créer une nouvelle demande dans un espace stratégique non contesté plutôt qu’au cours d’affrontement avec des concurrents sur un marché déjà existant.

 

Enfin, en développant davantage de confiance entre les acteurs, la coopétition réduit considérablement certains risques, notamment liés à la mésentente entre les parties. En réduisant ces risques, ce sont les coûts de couverture de ces derniers que l’on parvient rapidement à diminuer.

  • Les écueils à éviter

Bien sûr, la coopétition, aussi pertinente qu’elle puisse être, n’est pas exempte de dangers et ne saurait être présentée comme la panacée. Plusieurs écueils méritent d’être soulignés. Il est notamment important de partager les intérêts de chacun des partenaires. Les ambitions propres à chacun, et sans doute différentes, méritent d’être reconnues et d’être prises en compte. La démarche doit également être expliquée et partagée avec les parties prenantes que sont les salariés ou les actionnaires, vis-à-vis desquels la pédagogie joue un rôle central.

Afin de réduire les risques de dérives conflictuelles, il importe de minimiser, autant que faire se peut, les occasions de concurrence frontale, même si ces dernières ne sont pas rédhibitoires.

 

Il est également nécessaire de trouver le bon dosage de collaboration et de concurrence, activité par activité. Il est même possible de privilégier des relations très collaboratives sur certaines métiers (la R&D, par exemple) et de conserver une logique purement concurrentielle sur d’autre (le démarchage commercial par exemple). La clarification des sujets qui ne font pas l’objet d’une collaboration est essentielle, même si la collaboration peut s’étendre, au fil du temps, à des domaines non envisagés au départ. Dans tous les cas, la préservation d’avantages concurrentiels propres est cruciale.

 

Des entreprises, les « tiers de confiance », proposent même de faciliter le déploiement de relations collaboratives entre leurs clients.

  • Les acteurs de la coopétition

Les solutions proposées par les tiers de confiance semblent en effet répondre à un besoin croissant de leurs clients qui souhaitent développer des relations de coopétition en toute sécurité. Comme l’écrivait Sartre : « La confiance se gagne en gouttes et se perd en litres ». C’est bien le sujet central, ici : comment entretenir, développer, pérenniser la confiance tout au long de la vie du partenariat ? Comment favoriser la mise en place d’une « juste confiance » ? Car si le manque de confiance peut constituer un problème majeur pour le développement de relations coopétitives réellement créatrices de valeur, l’excès de confiance est aussi potentiellement délétère, terreau d’un possible abus de confiance.

 

Notre expérience nous a ainsi permis d’identifier les bonnes pratiques en matière de coopétition :

 

1. Savoir prendre le temps qu’il faut. La création d’une relation de confiance entre concurrents est longue et se renforce au gré des épreuves surmontées. Elle constitue un actif qui n’est pas compté au bilan des coopétiteurs mais qui contribue grandement à leur réputation.

 

2. S’assurer de la compatibilité des modèles économiques. Si la coopétition s’appuie sur des standards techniques, le sujet fondamental reste celui du juste partage de la valeur créée. Si les tarifications des parties peuvent être différentes, les modèles économiques doivent être compatibles.

 

3. Accepter de faire grandir son confrère pour grandir à son tour. La logique de la coopétition consiste à apprendre à donner d’abord pour recevoir ensuite.

 

4. Choisir la bonne structure juridique pour porter la coopétition. SAS, GIE, association loi de 1901… Le choix se fait en fonction du caractère lucratif de la coopétition, du niveau d’ouverture et d’agilité recherchés.

 

5. Rassurer les clients. La transparence dans la démarche de coopétition crée la confiance nécessaire.

 

6. Soyez empathique. Votre pire ennemi n’est pas votre confrère mais bien vous-même. Par peur d’un abus de confiance de la part de votre concurrent, vous pouvez, par exemple, en provoquer un.

 

7. Admettre que la gestion des « roadmaps » techniques de chacun peut être un frein considérable. Ensemble, on va plus loin, mais on va aussi moins vite… Il faut savoir l’accepter dans une juste mesure.

 

Source: Harvard Business Review