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SUSAN COLES, Haut-commissaire de l’Australie à Maurice : « Utiliser Maurice comme plateforme financière et commerciale vers l’Afrique »

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« Maurice accueille le Commonwealth Climate Finance Access hub pour les petits États insulaires en Développement et l’Australie a été le premier pays à apporter une contribution d’un million de dollars US à cette initiative ».

L’Australie est très intéressée à utiliser Maurice comme plateforme financière et commerciale vers l’Afrique, a déclaré Susan Coles dans une interview accordée au Mauricien en marge de la célébration de l’Australia Day 2017. Elle a annoncé également que le Queen’s baton relay en vue des Jeux du Commonwealth prévus en Australie en 2019 passera par Maurice en avril prochain et a en outre invité le Premier ministre Pravind Jugnauth à effectuer une visite officielle en Australie.

Vous avez rencontré aujourd’hui (mercredi) le nouveau Premier ministre, pouvez-vous en parler ?

 

Nous avons eu des discussions très enrichissantes et j’ai eu l’occasion de lui présenter le message de félicitations du gouvernement australien. Il a été question de notre fête nationale et nous avons fait mention des différents domaines de coopération dont l’éducation et les énergies renouvelables. Nous avons aussi discuté des possibilités de coopération dans le domaine financier et des services financiers et bancaires. L’Australie comme les pays asiatiques sont intéressés à utiliser Maurice comme base financière et commerciale pour traiter avec les pays africains. Il a aussi été question des relations bilatérales et diplomatiques. L’île Maurice et l’Australie collaborent très bien non seulement au sein de l’IORA, mais également au sein du Commonwealth. Maurice accueille le Commonwealth Climat Finance Access Hub pour les petits États insulaires en développement et l’Australie a été le premier pays à apporter une contribution à cette initiative. En 2019, l’Australie accueillera les jeux du Commonwealth et en avril de cette année, le Queen’s baton relay arrivera à Maurice. Un comité s’occupe déjà de cet événement. Des programmes seront organisés avec les écoles et le public. Cet événement a déjà été organisé à Maurice il y a une dizaine d’années lorsque l’Australie avait accueilli les jeux du Commonwealth. Mes collègues qui étaient en poste ici en gardent un très bon souvenir.

 

Comment se portent les relations entre l’Australie et Maurice ?

 

Les relations sont très fortes et très chaleureuses entre nous. Nous avons développé des collaborations dans une série de domaines dont l’éducation avec les bourses australiennes, l’économie de l’océan, l’énergie des vagues, dans le domaine de la recherche et du sauvetage en mer. Nous avons eu des programmes de formation pour les femmes, notamment au niveau des petites et moyennes entreprises. Nous avons formé 240 femmes dans ce domaine. Au niveau de la formation tertiaire, des échanges ont été développés entre Maurice et l’Université d’Adélaïde. Nous aidons également le ministère des Affaires étrangères à développer une diplomatie économique. Le ministre des Affaires étrangères a lancé en Australie une réorientation de notre ministère. Nous partageons également les best practices sur le développement.

 

Quels sont les projets que vous avez pris le plus à cœur ?

 

J’ai fait beaucoup de choses intéressantes à Maurice et dans la région. Les questions de genre et la formation des femmes à Maurice et dans la région m’ont beaucoup intéressée. Ces formations concernaient non seulement les questions d’ordre économique, mais également la sécurité contre la violence familiale et la mise en place d’un programme de mentoring pour les femmes engagées dans des secteurs non traditionnels dont les services de prisonniers, la police, les pompiers et la santé afin de développer un réseau à Maurice, à Rodrigues et aux Seychelles. Nous avons beaucoup travaillé avec Enterprise Mauritius pour encourager l’organisation des missions vers l’Australie afin d’améliorer les échanges commerciaux. Nous avons une importante diaspora mauricienne en Australie. Nous n’avons pas réalisé toutes les potentialités. Les missions organisées l’année dernière ont permis de conclure des contrats dans le domaine du textile, de la bijouterie, dans l’agroalimentaire, à Perth, Melbourne et Sydney. Dans le domaine de l’éducation, nous avons beaucoup de Mauriciens qui retournent à Maurice après avoir étudié en Australie. Durant mon séjour ici nous avons lancé des associations d’alumnis et organisé une série de visites et d’échanges. Nous avons un bon réseau d’ambassadeurs à Maurice. Je suis très liée à Rodrigues où j’ai effectué quelques visites et lancé des projets très intéressants. J’ai découvert cette île très charmante avec des gens dynamiques qui veulent développer l’agriculture et les économies de commerce.

 

Les relations commerciales se portent donc très bien…

 

Avec les diverses missions mauriciennes en Australie, les choses se développent rapidement. Le Board of Investment est également très actif et a bien défini les domaines où les investissements étrangers peuvent se faire. De plus, avec l’ouverture du ciel, le développement du corridor aérien avec Singapour et l’arrivée d’Air Asia, les mouvements de personnes entre l’Australie et Maurice se sont beaucoup améliorés. Le nombre de visiteurs et de touristes australiens a beaucoup augmenté. Sur le plan commercial, nous notons qu’une compagnie de pêche australienne a commandé la construction d’un ou deux navires au Chantier naval mauricien. De plus, la compagnie australienne Long Line fishing s’est installée dans le port franc mauricien afin de pouvoir exporter vers les marchés africains. Cela démontre le potentiel du port franc mauricien pour les exportations vers l’Afrique, l’Europe ou les pays d’Amérique du Nord et du Sud. Au niveau des TIC, les Australiens découvrent graduellement Maurice comme une plateforme pour les exportations en Afrique. Plusieurs entreprises se sont déjà installées à Maurice.

 

Le retour de Qantas à Maurice est-il envisageable ?

 

Nous espérons que cela sera concrétisé un jour. En 2015, les autorités australiennes et Maurice ont conclu un accord en vue d’augmenter le nombre de vols entre l’Australie et Maurice.

 

L’Australie a également assuré la présidence de l’IORA. Pouvez-vous nous en parler ?

 

Pendant les deux années de notre présidence avant de passer la main à l’Indonésie, nous avons renforcé le réseau et développé de nouveaux domaines de travail pour l’organisation régionale, notamment au niveau de l’économie bleue. Nous avons lancé de nouvelles initiatives pour la facilitation des échanges et pour développer le secteur des PME. L’Indonésie a poursuivi les initiatives. Pas plus tard que la semaine dernière, un atelier de travail a été organisé pour les PME en Inde. En avril de cette année, la deuxième réunion ministérielle sur l’économie bleue sera organisée. La prochaine présidence sera assurée par l’Afrique du Sud. Le premier sommet des chefs d’État est prévu en mars en Indonésie. Nous espérons que beaucoup de présidents et premiers ministres pourront y participer. J’ai évoqué cette question avec le Premier ministre mauricien. Le problème est que la date du sommet est très proche de la fête nationale à Maurice. Espérons à l’avenir que Maurice continue à être un champion de l’IORA dans la région.

 

Est-ce que l’organisation a pris sa vitesse de croisière ?

 

Ce n’est pas facile tenant en compte de la diversité des économies et des systèmes. Nous avons des choses en commun et qu’on partage. Il faut exploiter au maximum la coopération dans les domaines de priorités comme l’économie bleue, la pêche, la sécurité maritime, le renforcement des capacités des femmes. J’ai eu la chance de travailler avec l’APEC qui connaît les mêmes problèmes que l’IORA, mais les pays membres avaient en commun la prospérité de leur population, le développement des marchés, le partage d’avantages économiques, la formation, l’environnement durable. Cela a été un succès. Je suis certain que l’IORA connaîtra le même succès.

 

La lutte contre la piraterie a également été un sujet important ?

 

C’est vrai. La sécurité maritime est très importante dans la mesure où l’océan Indien est une route importante pour le commerce. On a réussi à réduire les attaques des pirates, mais il faut rester vigilant et poursuivre les formations et les efforts pour assurer la sécurité maritime. Il est vrai que les pirates somaliens ont évolué pour s’engager davantage dans d’autres activités comme le trafic des armes, mais il faut rester très vigilant.

 

L’Inde est très active dans la région sur le plan naval, est-ce que c’est le cas pour l’Australie également ?

 

Oui, l’Inde est très active en particulier autour de Maurice. Les navires australiens sont également très actifs et ont procédé à beaucoup de saisies des bateaux appartenant aux trafiquants de drogue et d’armes. La coopération entre les navires australiens, indiens, français et d’autres pays est très bonne.

Sur le plan politique, l’océan Indien est de plus en plus important sur le plan stratégique. Qu’en pensez-vous ?

C’est vrai, les grandes puissances maritimes comme les Américains, la France, l’Inde, la Chine et l’Australie se sont concentrées dans l’océan Indien. La sécurité occupe une place très importante.

 

Comment la question des Chagos interpelle un pays comme l’Australie ?

 

C’est une question très importante pour Maurice et la région. Nous suivons de près l’évolution de la situation. Je sais que des discussions sont en cours entre la Grande-Bretagne et Maurice. J’ai une formation en droit et j’ai un intérêt académique pour cette question très importante. Espérons qu’il y aura une solution amicale parce que les relations entre la Grande-Bretagne, les États-Unis et Maurice sont très proches pour des raisons historiques. Les bonnes relations entre les pays très proches au sein de l’océan Indien sont très importantes pour tous les pays de la région.

 

Y a-t-il encore beaucoup de demandes pour l’immigration en Australie ?

 

Bien sûr. Beaucoup de familles ici ont un proche parent ou un ami en Australie. Naturellement, beaucoup recherchent la réunification de la famille en Australie ou Maurice. Il y a beaucoup d’échanges entre les familles. Si pour certains Mauriciens l’Australie apparaît comme un Eldorado, pour les Australiens Maurice est un paradis. Ma famille et moi avons pu le constater durant les trois agréables dernières années. Nous avons rencontré des gens très amicaux et hospitaliers. C’est un plaisir pour tous les Mauriciens. C’est vrai qu’il y a beaucoup de possibilités en Australie pour le travail et les contacts familiaux. J’ai remarqué que beaucoup de familles passent quelques années en Australie avant de rentrer ici pour leur retraite. Certains reviennent pour l’éducation de leurs enfants et obtenir le soutien des grands-parents dans ce domaine.

La diaspora mauricienne en Australie constitue-t-elle une base solide pour les relations entre Maurice et l’Australie ?

Absolument. D’ailleurs en 2020 nous célébrerons les 50 ans des relations diplomatiques entre nos deux pays et déjà nous réfléchissons sur la célébration de cet anniversaire au niveau des deux pays. Je suis certain que je pourrais me joindre à la communauté mauricienne pour cette célébration. Nous réfléchissons actuellement sur la meilleure façon de célébrer ces relations très fortes et chaleureuses.

 

L’Australie a également été très active le plan culturel à Maurice ?

 

Tout à fait. Je garde un très bon souvenir de la semaine australienne organisée dans l’île. Ce fut un grand plaisir d’accueillir les Chefs, les cinéastes, les musiciens. Je dois également souligner les relations avec les ONG mauriciennes avec qui nous avons collaboré non seulement sur le plan culturel, mais également celui de l’environnement et du changement climatique. Nous sommes très impressionnés par l’engagement des jeunes Mauriciens dans la protection de l’environnement. Des projets ont été lancés dans les écoles pour vulgariser sur l’importance de la protection de l’environnement. Nous avons également travaillé avec les universités.

Nous avons également noté que la collaboration entre Maurice et l’Australie au niveau tertiaire s’est beaucoup développée ?

Effectivement, la Curtin University a une collaboration avec l’institut Telfair pour l’obtention de diplômes australiens. Il y a également un accord de principe entre l’Université de Western Australia et la faculté des études de l’océan à l’Université de Maurice. Il y a également une collaboration entre l’Institut d’océanographie de Maurice et la McQuarie University dans le domaine de la recherche océanique.

L’année dernière, à l’occasion de la Journée internationale de la Femme, nous avions organisé un atelier de travail pour les femmes engagées dans le domaine scientifique et de la recherche. Le travail continue. Nous avons l’intention de lancer cette année un chapitre d’une organisation pour les femmes engagées dans la recherche scientifique dans les pays en développement.

On a constaté qu’il n’y a pas eu beaucoup d’échanges au niveau ministériel entre nos deux pays…

Nous avons eu l’occasion pour la première fois depuis 20 ans de recevoir la visite d’un chef de la diplomatie australienne Julie Bishop Par la suite le ministre du Développement est venu à Maurice. Nous avions prévu plusieurs visites des ministres mauriciens en Australie l’année dernière. Elles n’ont toutefois pas été concrétisées. Aujourd’hui j’ai évoqué avec le Premier ministre la possibilité qu’il visite l’Australie, qu’il a déjà visitée dans le passé.

Comment voyez-vous l’avenir de la coopération entre l’Australie et Maurice ?

J’espère que les projets suivent leur cours. Comme je m’intéresse à l’histoire, mes recherches m’ont permis de découvrir tous les liens historiques entre l’Australie et Maurice. Il n’y a pas seulement eu Matthew Flinders ou Lapeyrouse, il y a aussi eu la coopération entre Maurice et l’Australie durant la Première et la Seconde guerre mondiale. J’ai été très intéressée de découvrir le nombre de Mauriciens qui ont participé aux deux guerres au sein de l’armée australienne dans des batailles très connues.

 

Article paru dans Le Mauricien |