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Assurance-vie : les droits des souscripteurs pourront être temporairement restreints

La loi « Sapin 2 » comporte d’importantes mesures relatives au secteur de l’assurance : en particulier, l’épargne acquise au titre d’un contrat d’assurance-vie sera susceptible d’être bloquée pendant des durées limitées en cas de « début d’incendie financier ».

Certaines dispositions de l'article 49 de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Sapin 2 » permettent au Haut conseil de stabilité financière (HCSF) de prendre des mesures conservatoires macroprudentielles à l'égard des entreprises d'assurance (voir La Quotidienne du 30 novembre 2016). Le Conseil constitutionnel les a jugées conformes à la Constitution.

« Les mesures prévues par le législateur visent notamment à parer aux risques, pour les épargnants et pour le système financier dans son ensemble, qui résulteraient d'une décollecte massive des fonds placés dans des contrats d'assurance-vie. Compte tenu de ce motif d'intérêt général, de l'obligation impartie par la loi au HCSF de veiller aux intérêts des assurés et du caractère temporaire des mesures prudentielles prévues par le législateur, ces dispositions ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle », a estimé le Conseil constitutionnel.

Afin de prévenir des risques représentant une menace grave et caractérisée pour la situation financière de tout ou partie des entreprises et organismes du secteur de l'assurance, le HCSF est ainsi habilité, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, également président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), à prendre les mesures suivantes : limiter l'exercice de certaines opérations ou activités ; restreindre la libre disposition de tout ou partie des actifs ; limiter le paiement des valeurs de rachat ; retarder ou limiter la faculté d'arbitrage ou le versement d'avances sur contrat (…) (CMF art. L 631-2-1 5° ter).

De telles mesures peuvent être prises pour une période maximale de 3 mois, renouvelable si les conditions ayant justifié leur mise en place n’ont pas disparu et après consultation du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) mais pas plus de 6 mois consécutifs.

Précisions qu’une autre disposition du même article 49 de la loi autorise le HCSF, toujours sur proposition du gouverneur de la Banque de France, à moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices (CMF art. L 631-2-1 5° bis).

A noter : 1. Lors de la discussion en séance publique du 29 septembre dernier, le ministre de l’économie et des finances a affirmé que le nouveau dispositif prévu en cas de menace financière (bulle spéculative ou remontée brutale des taux d’intérêt notamment) vise à « éviter que les gros épargnants, bien informés et avisés, retirent progressivement la totalité des sommes qu’ils avaient déposées dans le cadre d’une assurance-vie, au point que l’organisme d’assurance se retrouve à un moment donné dans l’incapacité de faire face aux autres demandes de retrait ». Et Michel Sapin d’ajouter, « les victimes seront alors les petits épargnants, qui ne disposaient évidemment pas, eux, du même type d’information, et qui ne pourront plus rien retirer parce que leur compagnie d’assurance aura été mise en faillite, ce qui les placera en très grande difficulté ». Pour rassurer et protéger les petits épargnants, les députés ont alors adopté un amendement ainsi rédigé : « Dans sa décision, le Haut Conseil veille à la protection de la stabilité financière et tient compte des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires » (soit en mettant en place sa propre liste des cas dérogatoires, soit en autorisant les petits retraits, aux termes des mêmes débats en séance publique du 29 septembre).

2. Les parlementaires requérants soutenaient que ces mesures méconnaissent le droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 et leur reprochaient, en ce qu'elles permettent de limiter temporairement le paiement des valeurs de rachat d'un contrat d'assurance-vie, de porter une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à l'économie des contrats en cours. Ces griefs ont été écartés par le Conseil constitutionnel qui a également rappelé que les mesures conservatoires prises par le HCSF sont rendues publiques et susceptibles d'un recours en annulation devant le Conseil d'État.

3. La provision pour participation aux bénéfices permet de lisser les taux de rendement servis sur les fonds en euros, taux jugés trop élevé par les autorités de contrôle dans le contexte actuel de taux d’intérêt historiquement bas. Or, moduler les règles de constitution et de reprise de cette réserve ne permettra plus aux assureurs de maintenir un taux de rémunération supérieur au rendement des actifs sous-jacents (principalement des obligations) en piochant dans leurs réserves de plus-values.

 

Celia CUVILLIER

Pour en savoir plus sur l'assurance-vie : voir Mémento Patrimoine nos 27950 s.

Loi 2016-1691 du 9-12-2016, art. 49 : JO 10 texte n° 2 - Cons. const. 8-12-2016 n° 2016-741 DC 

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