Après les divers changements de ministres dans une industrie connue pour être dynamique, il est plus que temps que les choses commencent à bouger dans les Tic-BPO. Stagnant à une croissance de 6,9 % depuis quelques années, ce secteur attend toujours son décollage.
Trois ministres en deux ans : c’est la première image qui nous vient à l’esprit quand on s’apprête à faire le bilan de ce secteur qui devrait être dynamique en cette année 2016. Après Pravind Jugnauth, le portefeuille des Tic est passé à Roshi Bhadain en juillet 2015 pour finir entre les mains d’Étienne Sinatambou le 14 mars dernier.
Au vu des événements qui l’ont marqué, il sera plus difficile de réaliser l’objectif de créer 15 000 emplois additionnels dans le secteur de l’externalisation et de la technologie informatique d’ici à cinq ans, comme l’espéraient les autorités. Il est vrai qu’avec la venue de nouveaux opérateurs dans le secteur de BPO et la hausse des activités des compagnies existantes, plus d’opportunités d’emplois se sont présentées dans les centres d’appels cette année. Entre 2 500 et 3 000 postes étaient à pourvoir en 2016. À titre d’exemple, Outremer Telecom a renforcé son dispositif avec un millier de collaborateurs cette année, tandis qu’Euro CRM en a recruté des centaines. Après le secteur manufacturier, les Tic s’imposent malgré tout comme un des plus grands recruteurs de Maurice. Il s’agit aussi d’importer de la main-d’œuvre étrangère avec à la longue le transfert du savoir-faire aux Mauriciens.
Loin d’être latent
Le secteur peut manquer de dynamisme, mais il est loin d’être latent. Le pays fait face à une demande exponentielle en termes de capacité et de vitesse, et il faut être prêt pour accommoder lesexigences des consommateurs, qu’ils soient des particuliers
ou des entreprises. Dans ce contexte, Mauritius Telecom est en train d’accélérer la mise en place des infrastructures, souligne Sherry Singh, son CEO. Ce qui fait que d’ici à fin 2018, tout Maurice sera couverte par la fibre optique, avec pour résultat une meilleure bande passante. «Ce sera encourageant aussi bien pour les consommateurs individuels que pour l’industrie», a fait valoir Sherry Singh, qui ajoute : «Plus de 95 % de la bande passante utilisée par Maurice est fournie par MT. Si nous n’avions pas investi massivement dans le câble SAFE et, subséquemment dans les autres câbles, Maurice n’aurait pas eu la connectivité nécessaire pour le développement du pays.» À la fin de mars, MT a lancé sa connexion Internet de 100 mégabits par seconde (Mbps), destinée autant aux entreprises qu’aux abonnés résidentiels. L’offre, proposée en illimité, est disponible à travers son réseau de fibre optique à Rs 3 999 par mois aux foyers.
Lui emboîtant le pas en termes d’innovation technologique, la State Bank of Mauritius a introduit dans l’île un nouveau service de paiement par carte bancaire qui porte le nom de Moov. Associant un smartphone / une tablette tactile à un lecteur des cartes bancaires, il permet aux commerçants, notamment les PME, mais aussi aux propriétaires de taxis, compagnies de bus d’effectuer des paiements.
S’il faut une preuve de la pénétration de la technologie et de l’emprise de la téléphonie mobile dans notre quotidien, sachons que sur dix appels locaux, huit sont effectués sur un cellulaire. Le succès du téléphone portable est tel à Maurice que l’entreprise zimbabwéenne Astro Mobile compte investir US$ 5 millions dans l’île l’année prochaine. L’entreprise envisage également la mise en place d’un centre de recherche et de développement.
Sur le plan de la connectivité, le pays comptait en avril 776 500 abonnés à Internet, dont 620 600 à travers le haut débit, et 1 680 200 utilisateurs se connectaient via le mobile. Le Global Cybersecurity Index place Maurice à la 19e place mondiale sur 105 pays évalués, avec un score de 0,588. Maurice occupait en avril la première place en Afrique. Il est vrai que Maurice excelle sur le continent en ce qui concerne les réseaux à haut débit avec 15,7 % alors qu’ailleurs, le taux est à peine de 0,5 %. En Europe, ce chiffre est de 29 %. Toutefois, concernant le haut débit mobile prépayé, Maurice se positionne à la 49e place avec une consommation mensuelle moyenne de Rs 207 pour 800 Mb
de données.
Maurice figurait à la 45e place (sur 143 pays) du Network Readiness Index du World Economic Forum Global IT Report 2016 à la fin de juin pour chuter à la 49e place sur 139 pays le mois sui-vant. Mais l’île garde sa première place au niveau de l’Afrique subsaharienne, bien que l’Afrique du Sud, qui est à la seconde place au niveau régional, se rapproche en passant de la 75e à la 65e position au niveau mondial. Le rapport stipule que l’île est bien «connectée», alors que les nouvelles technologies sont disponibles rapidement. Il concède toutefois que la région Afrique est pauvre en ce qui concerne la connectivité. Tirant profit de cette population bien connectée, le Conseil des ministres soulignait en avril que 69 services gouvernementaux étaient déjà accessibles en ligne sur le portail du gouvernement et que 50 autres le seront bientôt.
Face à une clientèle qui mise davantage sur les achats en ligne, les opérateurs du textile et de l’habillement envisagent pour leur part d’utiliser de nouveaux canaux de distribution, comme l’e-commerce. L’achat en ligne est la tendance dans le monde du commerce. Toutefois, le coût du fret aérien demeure un obstacle.
Améliorer la bande passante
Visant à favoriser l’intégration régionale, les Tic étaient au cœur des préoccupations du COMESA en mai dernier. Le COMESA ICT Services Industries Public-Private Dialogue, sous la présidence de Ganesh Ramalingum, président exécutif de Data Communications, s’est tenu à Nairobi, au Kenya. Il a permis à plusieurs opérateurs des Tic de se réunir et de discuter notamment du développement de ce secteur. Parmi les délégués de 15 des 19 pays membres du COMESA qui y ont participé, on retrouve des représentants de grandes entreprises des Tic, des start-up, des PME et des opérateurs de téléphonie mobile. Plusieurs obs-tacles doivent cependant être franchis pour assurer le déve-loppement des Tic : la protection des données, la cybercriminalité, l’augmentation de la protection intellectuelle pour les innovations informatiques, l’établissement d’un modèle multi-parties prenantes et des initiatives visant à promouvoir les investissements du secteur privé et la concurrence.
Actuellement, le câble SAFE permet d’acheter de la bande passante à l’international. Il relie la Malaisie à l’Afrique du Sud en passant par Baie-de-Jacotet, Bel-Ombre et Saint-Paul, à La Réunion. Alors que le câble Lower Indian Ocean Network (LION) relie Terre-Rouge (Maurice), Sainte-Marie (La Réunion) et Toamasina (Madagascar). LION 2 est une extension à partir du LION, au large de Madagascar, qui relie Mayotte et est ancré au Kenya. Ces deux réseaux ont été entièrement financés par Orange Madagascar, Mauritius Telecom, France Telecom et Telekom Kenya. Ce qui fait que Maurice dépend de Mauritius Telecom.
En juin, le Conseil des ministres annonçait que d’ici à deux ans le CEB deviendra un fournisseur d’accès à Internet. L’organisme utiliserait son réseau de fibre optique pour offrir une connexion de haut débit à ses abonnés et aux opérateurs de télécommunications en vue d’accroître la bande passante disponible aux Mauriciens.
Multiplier la connectivité
Un troisième câble sous-marin de fibre optique sera déployé début 2019. Le câble, long de 2 000 km, connu sous le nom d’Indian Ocean Exchange (IOX), reliera Rodrigues et Maurice, avant que le réseau ne se déploie à l’île de La Réunion et Madagascar. L’Indian Ocean Exchange (IOX) Cable Ltd, filiale de l’INDOI Ltd, déploiera ce câble pour les îles de l’océan Indien. En juillet dernier, Mauritius Telecom a reçu la tâche de superviser ce dossier. Une enveloppe de US$ 150 millions est prévue à cet égard (environ Rs 4,9 milliards). Le système de câble IOX sera le premier à accès libre de la région et offrira la possibilité à tous les opérateurs agréés de bénéficier de la technologie la plus récente et d’un accès sans faille tout au long de son cycle de vie. Le gouvernement voulait, en effet, avoir un opérateur de câble indépendant, vu que Mauritius Telecom dirige le câble SAFE, étant le bailleur de fonds mauricien, et est propriétaire du câble LION.
Le projet Melting-Pot Indianoceanic Submarine System (METISS), une initiative de la COI qui a nécessité des investissements de l’ordre de 75 millions d’euros de l’Union européenne, entre autres, a été officiellement lancé le 15 décembre par huit opérateurs de télécommunications qui en sont les promoteurs. Le consortium METISS, qui comprend Blueline, Canal + Telecom, CEB FiberNet Co Ltd, Emtel, SRR, Telco OI, Telma et ZEOP, installera un câble à très haut débit de 3 500 km reliant Maurice (et Rodrigues si MT intègre le consortium), La Réunion et Madagascar à l’Afrique du Sud d’ici à 2018. Mauritius Telecom, qui n’a pas souhaité intégrer le consortium, a préféré signer avec SEACOM pour relier Maurice à l’Afrique au moyen d’un câble sous-marin.
Par ailleurs, le projet O3B (Other 3 Billion), qui emploie une technologie reposant sur 20 satellites de communication couvrant le globe, pourrait connecter Rodrigues au haut débit en 2017
Business Magazine No. - 1267 - du Mercredi 28 Décembre 2016 au Mercredi 28 Décembre 2016